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Les poteries de Sejnane

Un art ancestral représentant les liens entre les pays de la Méditerranée

Les femmes berbères pétrissent la glaise de la même façon du  Rif marocain à la grande Kabylie algérienne, en passant par la région de Séjnane au nord de la Tunisie ou  Sahel tunisien, du djebel Dahar qui lie la Tunisie à la Libye et à l’oasis égyptienne de Siwa.
Cette poterie est exclusivement féminine. Elle est modelée et décorée de motifs prophylactiques qui évoquent ceux des textiles, des tatouages et des bijoux berbères : les ethnologues parlent d’un langage graphique et les historiens s’accordent à en rechercher l’origine dans les époques préhistoriques.
L’utilisation de cette céramique est à l’origine, exclusivement domestique et répond à des besoins de stockage de l’eau et des denrées alimentaires, de cuisine, de décor de l’habitat.
Ignorant les frontières actuelles des pays du Maghreb, les potières dessinent la carte de l’ancien monde berbère où les rites magiques jalonnent la vie quotidienne.
Les potières pétrissent l’argile qu’elles sculptent et moulent à la main puis  polissent ensuite la terre avec un galet ou un coquillage. La cuisson de ces poteries avec des techniques archaïques est très primitive.
Depuis des siècles, les femmes de Sejnane réalisent des poteries aux décors naïfs, un art et un savoir-faire transmis depuis des générations de mère en fille. Certains chercheurs pensent que la fabrication de ces poteries remonte à l’âge de bronze méditerranéen.

Technique et Fabrication :
Les techniques de fabrication utilisées par les potières de Sejnane suivent  4 étapes :

  1.  => Extraction de l’argile,
  2. => Mélange des colorants végétaux ou minéraux, recueillis sur place
  3. => Polissage des réalisations au pétoncle
  4. => Cuisson dans un four en terre (avec de la bouse de vache).

Les matières premières sont issues de la nature :

L’argile de la région présente plusieurs teintes allant du crème au gris beige. L’argile rouge provient quant à lui de Tamra, un petit village situé à 20 km de Sejnane,  soit 3 heures de route à pied.

A partir des déchets et des poteries ébréchées, elles fabriquent une sorte de dégraissant  qui procure à la pâte d’argile la souplesse et l’élasticité nécessaires à la manipulation pendant le pétrissage et protège la poterie de l’éclatement et des fissures pendant la cuisson.

Elles réalisent une barbotine, sous forme de petits blocs d’argile de couleur blanche ou crème ramassés manuellement. Pilés au mortier, tamisés et dilués dans l’eau, elles en obtiennent une pâte liquide, lisse et crémeuse, servant à badigeonner les objets,  avant cuisson,  pour obtenir des teintes uniformes.
L’eau intervient autant dans la fabrication de la pâte d’argile que dans le façonnage des futures poteries. Ce précieux liquide,  les femmes vont le chercher à dos d’âne.

Les objets réalisés sont variés : 
plats, poupées ou ustensiles de cuisine, mais c’est dans les décorations des objets que résident leur originalité :  lignes, points de croix et triangles, et les couleurs sont tirées de la terre des ancêtres où le  beige et l’ocre dominent.

Bien que les villageoises soient réunies lors de la création, chacune d’elles, possède son propre style et expriment leur créativité propre.
Les ornements s’inspirent beaucoup de la nature qui les entoure et reproduisent probablement des signes et images ancestrales.

Outre les motifs géométriques, des représentations figuratives nous font pénétrer dans l’univers de ces femmes : oiseaux, poissons (symboles de fertilité), mammifères, fibules ou  rameaux d’oliviers.
  
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